Handicap : l'experte de l' ONU ne mâche pas ses mots

Résumé : Sans langue de bois, saluant les avancées mais aussi affichant ses inquiétudes, une experte de l' ONU vient d'achever sa 1ère visite en France. Notre pays doit faire de gros efforts pour accorder aux personnes handicapées leur pleine citoyenneté. 

Par Handicap.fr / Emmanuelle Dal'Secco, le 13-10-2017 

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« Par définition, un bon établissement n'existe pas», lance l'experte de l' ONU en matière de handicap, nourrissant l'ensemble de son discours d'une volonté farouche d'accorder aux personnes handicapées leur pleine citoyenneté au sein de la société. Elle parle de ségrégation, de non-respect des droits, de privation de liberté mais aussi d'efforts, d'optimisme, d'initiatives vertueuses dans une France « Etat providence qui attribue des ressources importantes aux personnes handicapées ».

Sans langue de bois

Cette femme sans langue de bois qui décortique les avancées comme les retards, c'est Catalina Devandas-Aguilar, la rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées. A l'issue de sa première visite officielle dans notre pays, le 13 octobre 2017, elle rend son rapport préliminaire, qu'elle a présenté au gouvernement le matin même. Celle qui se définit comme « les yeux et les oreilles du Conseil des droits de l'homme » et enquête de manière indépendante, a, durant dix jours, été reçue par les pouvoirs publics mais également des associations de personnes handicapées, des prestataires de services, des établissements, des écoles, des hôpitaux, des logements inclusifs…

10 jours en France

Devant la presse (très peu de médias généralistes et aucune télé), durant une heure, elle fait part de ses « inquiétudes » sur la prise en charge des personnes handicapées en France et déplore qu'elles soient trop souvent perçues comme « des objets de soins et pas de droits ». Pourtant, elle rappelle que la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), ratifiée par la France en 2006, doit primer sur le droit français. « Malgré l'existence d'un cadre juridique », elle se dit « inquiète car une partie de la législation française n'est pas en accord avec cette convention ».

Stop à l'isolement

L'experte bénévole souligne le nombre « très élevé » d'enfants et adultes handicapés résidant dans des institutions où ils se retrouvent isolés du reste de la société. Elle appelle le gouvernement français à lancer « un plan d'action pour fermer progressivement ces institutions et les transformer en services implantés dans la communauté ». Selon elle, une option possible même pour les personnes polyhandicapées. « D'autres pays ont mis en œuvre des processus de désinstitutionnalisation qui fonctionnent », assure-t-elle. Mme Devandas-Aguilar exprime également ses « inquiétudes » sur le manque d'accessibilité des lieux ouverts au public et des transports en commun. « Les jeux Olympiques de 2024 seront une occasion en or de rendre la capitale française plus accessible », a-t-elle estimé en soulignant que les efforts devront également porter sur le reste du pays et sur l'outremer.

Des abus et mauvais traitements

Elle recommande par ailleurs une « simplification » des différentes aides auxquelles ont droit les personnes handicapées, décrivant un système de protection sociale « très complexe » dans lequel il est « très difficile » de se retrouver. Elle encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour scolariser en milieu ordinaire davantage d'enfants handicapés et déplore que les personnes placées sous tutelle soient « dépourvues du droit de vote ». L'experte a également mentionné des « abus et mauvais traitements à l'encontre de personnes souffrant de troubles mentaux et pouvant être hospitalisées sans leur consentement ».

Rapport définitif en 2019

Son rapport définitif sera rendu en mars 2019. Ces recommandations ne sont pas contraignantes pour les Etats « mais, lorsque plusieurs organisations en charge des droits de l'Homme insistent dans le même sens, cela donne quand même plus de poids », tente-t-elle de rassurer. Elle se dit néanmoins « optimiste » face à l'effort engagé par le gouvernement Macron, citant, entre autres, le CIH (Comité interministériel du handicap), la concertation autour du 4ème plan autisme et la tenue d'une Conférence nationale du handicap en mai 2018. Le gouvernement va « dans la bonne direction » mais « les changements doivent être plus profonds pour aller vers une société véritablement inclusive », conclut-elle.

Un compte-rendu plus complet sera proposé par Handicap.fr dans les jours à venir…


 
 
 

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27. Juin, 2018

une experte handicap passe la France au crible

Résumé : En octobre 2017, une experte de l'ONU est en visite en France pour évaluer la situation des personnes handicapées. Priorité à la question de l'institutionnalisation et à l'exil des Français vers la Belgique. Quelles mesures concrètes ?

Par Handicap.fr / Emmanuelle Dal'Secco, le 10-10-2017
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En 2015, pour en finir avec des pratiques d'un autre temps et contraindre la France à appliquer les recommandations de l'ONU en faveur des personnes avec autisme, 28 associations demandaient à l'institution de venir constater sur le terrain (article en lien ci-dessous). Ont-elles été entendues ? Catalina Devandas-Aguilar effectue sa première visite officielle en France du 3 au 13 octobre 2017 afin d'examiner la situation des personnes handicapées, tous handicaps confondus, dans notre pays.

Rapporteur, quel rôle ?
Cette Costaricaine a été désignée, en juin 2014, par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU en tant que première rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées. Elle a longtemps travaillé sur les questions liées au handicap avec le Disability rights advocacy fund, l'unité de l'ONU responsable de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Banque mondiale. Son travail a porté sur les droits des femmes handicapées et celui des peuples autochtones handicapés.

Priorité du quinquennat
« S'agissant de ma première visite en France, j'ai hâte de connaître les mesures concrètes prises par les autorités pour mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ndlr : ratifiée par la France en 2006). Ceci est d'autant plus pertinent compte tenu de la décision du président Macron de donner une priorité à la question du handicap dans son quinquennat », a déclaré Mme Devandas-Aguilar. « J'ai également l'intention d'identifier les défis et les lacunes en matière de protection des personnes en situation de handicap, afin de formuler des recommandations concrètes à ce sujet », a-t-elle ajouté.

Quel programme ?
Durant ces dix jours, elle tiendra des réunions avec des représentants du gouvernement, des autorités régionales et départementales, l'institution nationale des droits de l'homme et d'autres institutions indépendantes, ainsi que des personnes en situation de handicap et les organisations qui les représentent, notamment l'Unapei (photo ci-dessus). Un rendez-vous avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, est notamment programmé. Elle doit se rendre à Paris, Lyon, Marseille et Avignon, où elle visitera une école inclusive, des institutions pour enfants et adultes handicapés, des établissements psychiatriques ainsi qu'un projet de logement pour personnes avec handicap psychosocial.

Question d'institutionnalisation
« Ma visite se concentrera principalement sur la question de l'institutionnalisation, y compris la pratique d'envoyer des personnes handicapées françaises dans des établissements en Belgique, ainsi que sur la situation des personnes autistes et de celles avec un handicap psychosocial, a déclaré l'experte. Je vais aussi examiner la question de la protection sociale et les efforts visant à prévenir et remédier aux abus commis contre les personnes handicapées en France ». Début 2016, l'ONU exhortait la France à mieux protéger ses enfants et se disait préoccupée, entre autres, par les cas de mauvais traitements dont certains sont victimes dans les institutions (article en lien ci-dessous).

Un rapport en 2019
Une conférence de presse le 13 octobre doit clôturer ce déplacement français. Le même jour, Catalina Devandas-Aguilar fera au gouvernement une restitution préliminaire de son rapport. Elle présentera les résultats définitifs de sa visite et ses recommandations dans un rapport officiel au Conseil des droits de l'homme des Nations unies en mars 2019. A suivre…

© United nations + Unapei